La cerise sur le corail

Aux Tuamotu, Tikehau a tout de l’îlot corallien : sable blanc, cocotiers et pas une once de terre fertile. Pourtant, ce désert minéral abrite, depuis 25 ans, un jardin bio des plus extraordinaires. Les membres de l’Église du Nouveau Testament y mettent en effet toute leur foi.

D’obédience protestante, l’Église du Nouveau Testament a été fondée dans les années 1960. Elle prône le retour à la terre, à la nature et incite ses fidèles à devenir fermiers afin de subvenir à leurs besoins, en marge de la société de consommation. Plusieurs communautés se sont ainsi créées de par le monde, en Europe, en Australie… et sur Tahiti. Le site de Tikehau, baptisé l’île d’Eden, est actif depuis 1993. Dans les années 2000, à l’époque où l’activité perlière battait son plein, il a compté jusqu’à 50 membres. De nos jours, la communauté accueille des Tahitiens d’origine asiatique, 5 adultes et 6 enfants.

Et la terre fut…

Leur ferme bio tient du miracle. Dans cet environnement salin, sec et essentiellement minéral, ils ont réussi des cultures pour le moins inattendues, et ce sans apport de terre extérieure. La clé du succès réside dans le compost, patiemment fabriqué, afin de récréer un substrat riche en matières organiques. Outre les fruits tropicaux, bananes, papayes… – hélas rares aux Tuamotu – le potager offre un large éventail de légumes : tomates, blettes, laitues, salades, choux, courges, piments, soja…, des herbes aromatiques (menthe, coriandre, citronnelle…), d’autres médicinales (aloé vera, ginseng…).

Devant les figues, les cerises et les muroises, nous poussons tous un cri d’exclamation. Nous n’avons pas le temps de saliver que, déjà, notre guide Jacob nous glisse une poignée de fruits dans les mains. Au grand plaisir de Coline et Erell qui se servent ensuite directement dans les arbres.

Muroises

Des cerises appartenant la famille de l’acerola.

Agriculture vivrière et vente à l’extérieur

D’autres cultures sont en partie destinées à la vente, après que les besoins de la communauté sont satisfaits. Il s’agit de la précieuse vanille, de l’odorante huile de coco et… des mottes de sel ! Depuis que, sur Balanec, nous lavons les légumes à l’eau de mer et cuisinons avec (riz, pâtes…), il ne me viendrait pas à l’idée d’en acheter. Sur ce motu, produire du sel tombe pourtant sous le sens. Un parc à poissons et un petit élevage constitué de cochons et de poules apportent toutes les protéines nécessaires tout en participant pleinement à la fertilisation. « Et les vaches ?« , demande Erell. « On n’en a pas, répond Jacob. Les lapins auraient trop chauds et les canards ont été mangés par les chiens« .

Le marais salant.

Le précieux compost.

Eau et électricité

La communauté est autonome en eau ; elle exploite les nappes phréatiques qui se forment sous le platier de corail et collecte l’eau de pluie. Pour se se prémunir d’une infestation de moustiques, les réservoirs servent d’aquarium à une tripotée de « pipis », de minuscules poissons amazoniens. Ceux-ci gobent les larves des moustiques toujours bien à leurs aises dans les eaux stagnantes. C’est plus sain que d’ajouter un peu de pétrole lampant. Quant à l’énergie, elle est fournie par des panneaux solaires d’une puissance de 7000 watts. « Largement suffisant pour les besoins du quotidien mais pas pour les grosses machines comme le poste à souder, précise Jacob. On fait alors tourner le groupe électrogène. »

Des petits poissons anti-moustiques.

Cuisine… et dépendances

Farine, riz, sucre, lait et fuel, sont, pour l’essentiel, achetés au village de Tuherahera, à 11 milles nautiques, une demi-heure en bateau à moteur. La communauté ne cherche pas à se couper des autres ; comme nombre de visiteurs de passage, nous avons été aimablement reçus. Et impressionnés par ce mode de vie simple, laborieux et respectueux de la nature. Toutefois, l’exemple de l’île d’Eden n’est que très peu suivi en Polynésie, comme le déplore Jacob. « A l’origine, les Polynésiens sont des cueilleurs-chasseurs, pas des cultivateurs. Aujourd’hui, la majorité continue à prélever sa nourriture dans les magasins. » Et de poursuivre : »Qu’une grève éclate à Papeete et le port est bloqué : plus aucun cargo-goélette ne dessert les archipels. Les Tuamotu sont alors privés de marchandises et, surtout, de nourriture. C’est déjà arrivé. »

Notre guide Jacob cueille laitues, blettes, papayes, citronnelle… pour les voileux de passage.

De son côté, l’île d’Eden est menacée par le risque de cyclones, de décembre à mars, puisque les Tuamotu sont situés sur l’axe de leur passage. Quoique rares, trois ont déjà dévasté le motu en 25 ans. Il faut alors repartir de zéro, et générer, à force de patients et méticuleux soins, une terre riche porteuse de vie.

Une foi discrète

Quant à leur religion, nous n’en saurons guère plus que ce qui figure sur leurs petits prospectus. A savoir que l’Église du Nouveau Testament se reconnaît dans son prophète, Elie Hong, un Taïwanais. Aussi peut-on lire : « Aujourd’hui, tous les royaumes et tous les peuples devraient savoir que le Saint Pays consacré par Dieu n’est plus dans la Jérusalem en Moyen-Orient mais le mont Sion dans une île d’Orient, Taïwan. » Elie Hong visite la communauté d’Eden une fois par an. J’aimerais en savoir plus mais, manifestement, les habitants d’Eden ne font pas de prosélytisme. C’est sans doute mieux ainsi, les touristes étant plus intéressés par le paradis gastronomique que spirituel. De toute façon, leur mode de vie parle de lui-même : quand on y croit, ça marche !

La communauté d’Eden vit dans les bâtiments d’une ancienne ferme perlière. L’activité devrait reprendre en 2019.

L’album photo de l’archipel des TUAMOTU en cliquant ici.

Une réflexion sur “La cerise sur le corail

  1. laurence dit :

    coucou la petite famille
    toujours un plaisir de vous lire
    et bien la vie est belle pour vous tous profitez bien
    pour nous ça va le train train, bientôt les fêtes et nous partons tous les 4 la semaine de Noël à Amsterdam
    de gros bisous à vous 4

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